L’islam, religion du juste milieu

L’islam se présente, dans l’ensemble de ses enseignements, comme la religion du juste milieu, position d’équilibre parfait entre l’excès de rigorisme et le relâchement spirituel. Ce juste milieu se manifeste aussi bien dans la doctrine que dans la législation, la morale, la spiritualité et l’organisation de la vie sociale. Alors que le judaïsme, dans sa forme talmudique, a fait de la Loi un cadre extrêmement strict et détaillé, régissant minutieusement la vie quotidienne au point d’en faire essentiellement une religion juridique, le christianisme, à l’inverse, s’est défini principalement comme une religion spirituelle, centrée sur la foi intérieure et le salut, reléguant la loi pratique à un rôle secondaire, voire aboli.

L’islam propose une voie médiane : il institue une loi qui organise la vie individuelle et collective, mais cette loi est inséparable de la dimension spirituelle, de la purification du coeur et de l’intention. La Sharīʿa n’est pas une simple législation terrestre ni une éthique désincarnée ; elle constitue un cadre complet où la justice s’accorde avec la miséricorde, et où le droit est indissociable de la finalité spirituelle. Cette harmonie profonde se reflète dans de nombreux domaines, et l’un des exemples les plus éclairants de cette sagesse équilibrée est celui de la loi du talion. Elle est une illustration concrète du juste milieu islamique, et est bien loin de l’extrémisme comme certains voudraient le faire croire.

La loi du talion pratiquée par les Hébreux est de nature strictement rétributive et ne laisse aucune place à la clémence. On peut lire dans la Torah : « Ton oeil sera sans pitié : vie pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. » (Deutéronome 19, 21)

À cette loi intransigeante, le christianisme répond en prônant le pardon absolu, se fondant notamment sur ces paroles attribuées à Jésus : « Vous avez appris qu’il a été dit : “oeil pour oeil et dent pour dent”. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. À qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. » (Matthieu 5, 38-40)

Ainsi, entre la rigueur inflexible de la loi mosaïque et le renoncement total à la justice temporelle que l’on trouve dans certains enseignements chrétiens, l’islam adopte une voie médiane : il reconnaît la légitimité du droit de la victime à obtenir réparation équitable, mais il valorise et encourage le pardon, en le présentant non comme une obligation imposée, mais comme une vertu spirituelle supérieure, récompensée par Dieu. « La sanction d'une mauvaise action est une mauvaise action [une peine] identique. Mais quiconque pardonne et réforme, son salaire incombe à Allah. Il n'aime point les injustes » (Coran 42, 40)

S’agissant de la loi du talion à proprement parler, la victime a le choix entre demander l’application de la peine équivalente ou accorder son pardon, en échange ou non d’une compensation. Ce pardon, s’il est donné par recherche de l’agrément divin, devient une cause de rémission des péchés : « Et Nous y avons prescrit pour eux vie pour vie, oeil pour oeil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures tombent sous la loi du talion. Après, quiconque y renonce par charité, cela lui vaudra une expiation (...) » (Coran 5, 45)

Ce principe illustre de manière éclatante le juste milieu islamique : la justice protège la société en dissuadant l’agression, tandis que la miséricorde élève l’individu en l’encourageant à dépasser son ego et à purifier son coeur. L’islam ne nie ni la réalité des passions humaines ni l’aspiration morale de l’âme ; il leur offre un cadre équilibré, conforme à la nature humaine et orienté vers la transcendance.

Ce principe d’équilibre, clairement manifesté dans la loi du talion, traverse l’ensemble de la vision islamique de l’existence. Dans le domaine économique, l’islam interdit l’usure et l’exploitation tout en encourageant l’investissement responsable et la solidarité par la zakāt. Dans la sphère familiale, il reconnaît des droits et des devoirs réciproques fondés sur la justice et la miséricorde. Dans la spiritualité, il rejette aussi bien le monachisme que le matérialisme, appelant à adorer Dieu tout en assumant pleinement les responsabilités terrestres. Ainsi, l’islam n’est ni une religion purement rituelle ni une simple éthique abstraite : il est un mode de vie complet où la loi nourrit la foi et où la foi donne sens à la loi. C’est cette harmonie, conforme à la nature profonde de l’être humain, qui explique la permanence, la cohérence et l’universalité du message islamique.

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L’islam, religion universelle